Philippe Durand

Lise Guehenneux, Entretien (FR)

2012

Lise Guehenneux : Lors de notre dernier entretien, tu as dit que tu avais été obligé de bouger des choses depuis que tu utilises le téléphone portable pour noter des indices. Veux-tu, pour notre quatrième entretien, partir de cela ?


Philippe Durand : Pas forcément. Ce que je voulais dire par-là, c’est que les usages de la photographie ont complètement muté puisque tout le monde a un appareil photo, au moins avec le téléphone. André Gunthert, (du laboratoire d’histoire visuelle contemporaine Laboratoire de l’EHESS et Etudes Photographiques) faisait une petite note disant qu’il avait vu une fanfare dans la ville où il était, il avait un bon numérique dans la poche, mais il a pris une photo avec le téléphone parce qu’il voulait l’envoyer à sa femme et, par la même, il disait que les appareils numériques devaient intégrer ce dispositif d’envoi d’images. Ce sera la prochaine génération d’appareils, parce que la finalité n’est plus d’imprimer les images mais de les envoyer.


LG

Dans l’ensemble récent de photographies, commencé en septembre 2011, titré Foliage, tu es passé à une superposition d’images dans une même image grâce aux jeux de reflets, aux plantes domestiques dans l’espace public via les vitrines.


PhD

Foliage, feuillage en anglais, si tu prends la racine latine, c’est la même que livre, folio, donc l’assemblage des feuilles. Il y a plusieurs typologies qui se chevauchent et qui se contrarient quelques fois. Cela m’intéresse de « complexifier » le corpus, cela part effectivement de cette question des vitrines de coiffeurs. S’il y a un endroit où l’on est sûr de trouver des plantes, c’est dans les vitrines de coiffeur. L’idée, l’image, au départ c’est la plante qui pousse d’elle-même, et qui fait sa photosynthèse, et qui va se plaquer à la vitre, mais c’est assez rare parce que pour cela il faut que le pot où pousse la plante ne soit trop gros pour être bougé, ou que la personne ne s’en occupe pas, cela existe néanmoins, comme une allégorie de la photo.

On passe de la 3D de la plante au plan de la vitre, un peu comme un scanner. Foliage part de cela et hésite entre plusieurs choses. C’est effectivement la plante domestique, mais il y a aussi quelques plantes sauvages, et le point commun de l’ensemble c’est le verre, la question du verre, des inscriptions, des salissures, et alors aussi, de la plante derrière le verre. Cela joue à plusieurs niveaux.


LG

A propos des vitrines et des reflets de Foliage, tu avais parlé de ton intérêt, dans ce feuilletage, de plusieurs espaces ramenés sur le même plan.


PhD

Toutes ne sont pas en double expositions. J’ai commencé à utiliser la double exposition parce qu’à un moment donné je ne trouvais pas les choses que je voulais montrer. J’ai donc commencé à tricher, à les fabriquer en superposant deux images, la superposition est une technique assez connue qui, au départ, fait partie des erreurs ou ratages photographiques, puisque longtemps, lorsque l’on oubliait de rembobiner la pellicule dans l’appareil, on faisait une double exposition alors que maintenant, à l’inverse, c’est très difficile de trouver un appareil qui fasse la double exposition. Et ces doubles expositions neutralisent complètement la vision que l’on peut avoir sur une image. Les signes vont monter d’une manière non contrôlée, ils vont s’interpénétrer. D’un point de vue historique, la double exposition a surtout existé en noir et blanc.

Les surréalistes ont beaucoup utilisé cela. En revanche, je n’ai pas trouvé beaucoup de superpositions couleurs. Il faut s’entendre, la superposition, ce ne sont pas deux filtres photoshop que l’on aligne au point où on le souhaite. Une fois que la superposition est faite sur la pellicule, je ne peux plus rien changer. Les choses sont soudées entre elles. J’en suis donc venu à faire des sortes de doubles expositions qui se voient à peine, où, d’un côté, je photographie le verre rayé certaines fois, et de l’autre, essentiellement des éléments végétaux, des plantes sauvages, pour retrouver la structure que j’ai fait dans les premiers Foliages justement, les plantes de vitrines de coiffeur. Le dossier de la double exposition commence juste à s’ouvrir, parce qu’il permet tout un champ où justement on est devant une impossibilité d’intellectualiser, parce que les liens, les connections sont tellement nombreuses et aléatoires que l’on ne peut que se retrouver face à un ressenti. Le dossier s’ouvre tout juste.


LG

Tu disais que développer une forme de photo aléatoire était une réaction face à beaucoup de démarches artistiques actuelles que tu trouvais hyper construites.


PhD

Je pourrais me faire également la critique à moi-même. Cela correspond à un souhait de mettre davantage le cap sur le subconscient, sur la partie profonde du cerveau, la partie que l’on ne contrôle pas, qui, de temps en temps émerge, lors des rêves, de moments de fatigue ou de méditation. Dans ces moments-là, on a des sortes d’allers-retours assez rapides qui se font. Il semble qu’il y ait alors plusieurs vitesses de fonctionnements du cerveau. Pour me mettre à la place du regardeur de la pièce achevée, justement pour mettre en activité les neuro-connecteurs, la double exposition semble un moyen assez intéressant, qui peut à la fois être mis en parallèle au collage, tout en listant bien les différences. Ce n’est pas dit que je ne me mette pas au collage parce qu’il y a un champ qui m’intéresse également à ce niveau-là.


LG

Quel type de collage ?


PhD

Je ne sais pas encore précisément, ce sont des choses futures, mais des découpages, des assemblages. Je n’en suis pas encore là. En ce moment, je suis sur cette question de la double exposition, c’est à dire d’une double réalité en fait, et qui peut se rapprocher plus, d’un prolongement de la métaphotographie, c’est à dire photographier une chose en pensant à une autre. Ce dont nous avions parlé à propos de Offshore ou même de Rush and Flowers, bien sûr. Cette double exposition qui n’est, dans un sens, visible que par moi, pour la faire partager au regardeur, elle peut donner à voir deux réalités en même temps. Cela renvoie aussi, bien sûr, aux travaux plutôt littéraires de Walter Benjamin, aux dessins sous mescaline d’Henri Michaux ou à tous les voyages inventés de Leiris. Le champ littéraire a davantage étudié cette question du subconscient. Au niveau des arts visuels, cela n’a pas été tellement étudié et approfondi, il faut rentrer dans des corpus qui sont hors champs de l’art et que l’on peut importer à la manière de Clément Chéroux quand il fait sa conférence « Photographier la pensée ». Je prends tout cela comme point de départ mais pas comme point d’arrivée. Mais encore une fois, c’est le tout début de cette nouvelle période.


LG

Dans cet ensemble Foliage, tu te mets dans le champ du reflet dans Foliage #12, 2001, chose que tu évitais avant.


PhD

C’est vrai, je l’ai fait plusieurs fois, de prendre en compte tous les éléments, y compris l’opérateur. Finalement, l’autoportrait au miroir est une figure (un motif) assez classique de la photographie et de la peinture, donc cela s’inscrit peut-être dedans, mais de manière assez indicielle. C’est plus un silhouettage qu’un autoportrait qui permet de donner une échelle.


LG

Pourquoi avant Foliage ne le faisais-tu pas alors?


PhD

Cela m’est arrivé d’en faire, mais je ne l’ai jamais utilisé dans les pièces. Là, tu l’as vu dans Foliage, mais je ne l’ai pas encore utilisé en tirage. C’est le prolongement logique. C’est d’assumer tout simplement cette question-là, c’est à dire la place de l’opérateur dans son environnement.


LG

L’appareil à soufflet que tu utilises depuis cette année te permet-il d’autre opérations, manipulations ? lesquelles ? Cela va-t-il dans le sens de cette prise en compte de l’opérateur dans son environnement ?


PhD

Les deux changements, donc, double exposition et vue rapprochée, effectivement, cela fait un gros changement par rapport aux travaux précédents puisque je peux jouer des rapports d’échelles d’une manière beaucoup plus spectaculaire, amplifiée.


LG

Tu utilises le silhouettage pour donner un indice d’échelle, l’échelle de l’être humain, d’un côté, et tu joues sur une perte échelle, de l’autre, avec ce que te permet ce nouvel appareil photo à soufflet. C’est quand même quelque chose de paradoxale.


PhD

C’est les deux à la fois. La photo à laquelle tu penses (Foliage #12, 2011) où l’on voyait le silhouettage, elle est superposée à un très gros plan de plante, donc le rapport d’échelle est valable pour une partie des éléments seulement, et encore, on ne sait pas lesquels, et moi-même, avec le recul de quelques semaines, quelques mois, je ne sais plus lesquels. Cela m’ouvre un champ de perspectives assez large, c’est-à-dire de casser le rapport optique perspectiviste objectif qui est la nature même de la photo.Une fois que plusieurs espaces perspectivistes sont superposés, cette nature objective d’une chose disparaît complètement. Ensuite, dans la manière de superposer et d’assembler les éléments, on est vraiment dans le champ visuel sémantique, un peu comme un peintre. Les outils du photographe sont moins pratiques puisque c’est toujours une cueillette dans l’espace public. Pour ce qui est des Foliages, ils sont tous pris dans l’espace public autour de Ménilmontant.


LG

Et pourquoi n’utilises-tu pas le soufflet d’une chambre pour les plans rapprochés ?


PhD

la chambre, c’est un petit peu trop de cérémonial parce que je suis sur des choses fugaces, même si mon appareil à soufflet est gros et lourd, cela va très vite, en fait, pour faire les choses. Je fais du snapsot. Avec cet appareil à soufflet, je n’ai pas à changer de plan film entre chaque image donc c’est assez différent, et, en même temps, la qualité est au trois quarts de ce que j’aurais avec une chambre. La souplesse de l’appareil photo reste très importante, parce que quand on parle du rythme, entre la respiration et les idées qui viennent, il faut avoir un outil suffisamment réceptif qui va à la vitesse que l’on souhaite. La chambre est un élément ultra stable quand on cherche une chose bien précise. C’est une question de vitesse.


LG.

Tu veux avoir plusieurs outils comme la caméra super 8, par exemple, qui n’est pas à la portée de tout le monde puisque sa production s’est arrêtée, il y a vingt ans, donc il faut vraiment vouloir l’utiliser. Et le mamiya…


PhD

Le Mamiya analogique.


LG

Et puis tu peux très bien utiliser pour prendre des repères…


PhD

Le téléphone portable, l’appareil numérique.


LG

Sauf si tu veux revenir et qu’ils ont changé la vitrine.


PhD

Il y a beaucoup de projets de murals en ce moment. Le mural pour Genève, le 12 janvier 2012, c’est un grain numérique complètement explosé, mais c’est finalement ce qui est dans l’image et son ressenti, la perspective sur la typographie.


LG

Le titre, téléphonez vers l’étrange.


PhD

Une boutique que l’on verra depuis la vitre, située sur le côté dans l’espace d’exposition, donc sur la perspective. Je pense que l’on a un spectre d’images…, il y a tout ce vernaculaire Internet que je ne me suis jamais coltiné, puisque la dernière fois, je disais que je continuais à faire des images, je parle des images que je fais actuellement pas celles d’il y a quinze ans, parce que je ne trouve pas les équivalents. Je continue à les faire même si l’on a ces milliards d’images qui arrivent chaque jour. Je crois que ce que j’aime avec le super 8 ou avec ces appareils argentiques, analogiques, c’est de ne pas voir tout de suite. La grosse différence qu’il y a, c’est cette latence, ce temps entre le moment de la prise de vue et la découverte de l’image.


LG

Tu dis qu’il y a certaines photos que tu découvres seulement une fois qu’elles sont tirées.


PhD

Sur les doubles expositions, ce non contrôlé…, oui, je découvre réellement. Je les attends et je les découvre. Je suis le premier découvreur de ces images alors que sur les photographies classiques que je fais, il n’y a pas cet aspect-là, je sais quand même à quoi m’attendre. Je les rapproche de mes travaux plus anciens, les Paysages TGV. Les Paysages TGV sont en fait complètement hypnotiques, c’est la mise en dialogue de deux machines, le train à grande vitesse et l’appareil photo qui va générer un bloc espace temps. C’est ensuite, de savoir comment une ligne de fil à 300 kms/heure va être restituée en fonction de la vitesse, de la lumière, là je ne contrôlais absolument rien, donc tout le bloc espace-temps était reconstitué. D’autre part, il y avait déjà les reflets qui étaient déjà présents, - c’est-à-dire l’espace intérieur et extérieur - , qui étaient combinés dans une seule et même image. Je rapproche les doubles expositions de ce corpus-là.


LG

Les Paysages TGV datent de quand ?


PhD

1995, 1996.


LG

Donc, dans Foliage, la rayure, la trace sur la vitre introduisent une sorte de hiatus dans l’épaisseur même ?


PhD

Une sorte de filtre grossier comme si ce qui était donné à voir passait par un filtre, par le tain, soit le tain du miroir, soit le tain de la matière physique du verre. C’est le prolongement des Rejas de Cuba (2005), par exemple, où la grille, la mise au point est faite sur la grille de la même manière, la mise au point est faite sur le verre. La grille fractionne, arrive comme un filtre, comme si une vraie grille avait été rajoutée sur une photographie floue au moment de l’encadrement. Sur certaines des Rejas, on a cette impression-là, la grille est parfaitement nette et à l’arrière le paysage est flou, donc comme un filtre de l’objet photographique. Les petites rayures sont, pour moi, comme des petites présences d’expressions dans l’espace public, d’adolescents, de jeunes qui vont se promener avec des tournevis pour faire quelques rayures ou alors ces bombes qui permettent de bomber sur le verre et de rendre cette matière verre dépolie. Je me suis beaucoup intéressé à cette question-là. Partant des coiffeurs, j’en suis venu aux arrêts de bus et aux cabines téléphoniques qui sont des architectures de verre dans l’espace public, des filtres qui viennent altérer la réalité. On voit à travers ces petits signes d’expressions.


LD

Sur cette photo (Foliage #01, 2011), c’est la colle qui sert de filtre, une matière à la Richter inversée. Avec la colle sur le verre de la cabine téléphonique, tu es à moitié aveuglé comme avec de l’eau devant les yeux ou un voile sur la cornée qui t’empêche de voir mais tu y prends plaisir.


PhD

Une cataracte.


LG

Quelque chose super angoissant qui devient jouissif…


PhD

La beauté de la chose c’est qu’elle préexiste cette cabine pleine de peinture, pleine de colle. On a l’impression que cela fait bricolage d’atelier, une plaque de verre. Je ne vois pas dans le réel ce qui pourrait me faire voir quelque chose comme cela.


LG

Des choses fugaces, comme le pare brise quand tu es en voiture…


PhD

Plus que la pluie, quand la voiture est froide, qu’il y a de la buée et que l’on est sans cesse obligé d’essuyer avec la main et que cela revient tout de suite. Il y a un peu de gras… Richter de Ménilmontant… La cabine était recouverte d’affiches, une ou deux affiches étaient tombées, et donc, bien sûr, il y avait de la colle sur le verre, puisque les affiches étaient collées à même le verre, donc, dans la cabine, et cette matière qui renvoie à la touche du peintre. Si on veut la mettre en rapport, cela serait plutôt avec les blancs d’Espagne de Reversal Paris (2009), toute cette série qui était sortie dans la revue Mir (revue poèsie/théorie).


LG

Peux-tu préciser ?


PhD

Des boutiques passées au blanc d’Espagne mais partiellement usées (Reversal Paris, 2009). Cette photo est à rapprocher de cela, parce que finalement c’est ce fantasme de la peinture, des formes…On part de l’espace public, on cherche la notion d’œuvre et puis on se met toujours en référence aux œuvres qui préexistent, aux formes classiques de la peinture, de la sculpture. On pourrait dire que Rush and Flowers (2010), c’est plus une forme sculpturale que des travaux comme Foliage, qui parlent et qui sont plus de l’ordre de la question picturale, de la construction même de l’image. Toujours ce message optimiste ou naïf d’un art qui se construit de la rue, du réel. On est sur un fil entre abstraction et représentation photographique.


LG

Les rayures engendrent du mouvement. On se retrouve dans une histoire météorologique comme dirait Bertrand Lamarche. On est comme devant un pare brise dans une voiture et l’on essuie un grain, on traverse un orage.


PhD

Cette photo est très bien à vivre. Cette question du mouvement, elle est d’une manière ultra basique sur celle que l’on regardait, avec un contour comme une maison dessinée par un enfant, c’est presque une référence aux comics, autour des personnages une sensation de vitesse (Foliage #20, 2011). Effectivement dans plusieurs images, c’est donner le mouvement qu’intrinsèquement la fixité de la photographie ne permet pas.


LG

Tu essayes de ralentir le regard, mais avec ces rayures, il y a quand même la vitesse qui est introduite, même lorsque tu photographies une plante grimpante.


PhD

Une promesse de vitesse.


LG

Dans Offshore, tu parlais de la façon dont les plantes grimpantes envahissent très vite le terrain.


PhD

Et sur le portail pour le musée du Grand Hornu (exposition 2012), la difficulté de comprendre ce que l’on voit, en fait, un peu comme un nappage sur un gâteau. Cela coule et c’est arrêté à un moment et, en fait, cela ne coule pas et c’est juste là, mais il y a une sorte de mouvement comme cela qui fait que l’on a l’impression que, dans quelques minutes, l’ensemble du portail sera noir, que cette couleur noire coule. En même temps, l’assemblage de bois de la porte, c’est en fait la question du caractère utilitariste des choses, parce que ce n’est pas la forme pour la forme. Il y a cette pièce en bois triangulaire qui a été découpée pour réparer le trou, donc tout a une fonction et la forme arrive tout à la fin. Aucune construction de ce portail qui est dans une rue borgne de Hornu à côté du musée n’est faite pour la forme, tout est absolument utilitaire et c’est un peu comme une réparation permanente.


LG

Quel est le titre ?


PhD

Portail (2011). C’est la question du polyptique en peinture qui me plaisait beaucoup avec celle-ci, avec ses quatre parties. A l’échelle de l’exposition à Hornu, chaque panneau va faire 1 x 3 m.


LG

L’échelle du tirage a de l’importance car lorsque l’on regarde les tirages du labo de Foliage, il y a des rayures que l’on voit à peine à ce format, des nuances de couleurs nous échappent. Lorsque tu les agrandis, qu’est-ce qui détermine leur format ?


PhD

C’est la physicalité. A partir de 100 x 120 cm, on est vraiment en immersion dans l’image.


LG

Qu’est-ce qui détermine ce que tu vas tirer la photo en mural ? Le rapport à l’architecture, mais peut-être d’autres murals n’ont pas été déterminés par cela ?


PhD

Au début, mais maintenant c’est quand même assez clair, il y a des photographies qui sont directement liées aux murals. Dans les derniers murals, il n’y a pas de point de vue à l’infini ou alors très indiciel, comme le ciel au-dessus du garage dans Portail. Tu vois, le mur en Guadeloupe, Vieux Fort (2010), qui a servi de mural à Venise (exposition CA’ASI, 2011), il n’a pas d’arrière-plan, parce qu’évidemment, s’il y a un arrière-plan, cela casse complètement cette notion de rapport d’échelles que construit le mural. A propos des murals, j’en viens de plus en plus à utiliser, à travailler sur des murs, des espaces plans, des morceaux de constructions, je n’ose même pas appeler cela de l’architecture parce que la porte de garage c’est un morceau de bâti. Ensuite, c’est vrai que le mural de Genève, Téléphonez ver l’étrange est un peu différent, mais c’est quand même du même ordre, il n’y a pas de point de vue à l’infini. Il est un peu nouveau, mais j’avais vraiment envie de tester la question de la lettre. On va se retrouver avec des lettres immenses, un slogan en fait, et la perception ne sera pas tant que cela photographique, on va d’abord lire la phrase avant de regarder.


LG

La photo à lire…


PhD

Les deux utilisations de l’œil, pour lire et pour voir, qui ne jouent pas sur les mêmes ondes du cerveau. Avec Téléphonez ver l’étrange, on a d’abord ces lettres en blanc et puis, ensuite, on voit de petits indices de volumes, de constructions partielles à l’arrière-plan qui sont les cabines de téléphone. On a l’information des prix des communications pour les destinations lointaines.


Lise Guehenneux, critique d’art et enseignante à l’INSEAMM Marseille