Rejas
Philippe Durand est photographe - de l’espèce la plus intéressante aujourd’hui, celle des photographes qui doutent de la photographie, de ses machineries, de ses habitudes, de ses belles images. Depuis une dizaine d’années - il est né en 1963 -, il travaille ainsi en rôdant du côté de l’ambiguïté, du détournement, de la déception délibérée du regard. A La Havane, où il a séjourné récemment, il s’est donné pour motif les clôtures métalliques. Leur géométrie en losanges dessine une grille au premier plan. Elle est si dense, vue de si près dans une lumière si intense, qu’on ne voit guère qu’elle. Les arbres, les maisons, la tête d’un cheval ne sont plus, par-derrière, que des formes brumeuses à l’existence incertaine.
C’est l’inverse même du spectaculaire et du panoramique : la mise en scène ironique de l’échec de la représentation. Elle s’accompagne d’allusions à l’abstraction partagée entre ordre mathématique et geste coloré. Durand ayant choisi de faire tirer ses anti-paysages dans un grand format qui est d’ordinaire celui des tableaux, l’équivoque en est accrue.
Philippe Dagen, Le Monde, janvier 2005
- Rejas, Galerie Laurent Godin, 2005
- Open Frame, CRAC Sète, 2011
- le miroir et les chemins, MACS Grand Hornu 2012
2005 | C-Print, 124 × 172 cm |